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mercredi 5 janvier 2022

Cinema | Top 10 Films (2021)

Bonjour, bonsoir, j'espère que vous allez bien! Voilà maintenant trois ans que je partage avec vous mon top 10 films (la première fois c'était en 2018, la deuxième en 2019, la troisième en 2020). 

En 2020, je n'avais pu voir que 84 films sur grand écran à cause des deux confinements. En 2021, malgré le fait que les salles aient été fermées jusqu'au 19 mai, j'ai réussi à voir 128 films en salles! Ce n'est pas mon record mais étant donné que ce n'était que sur une période de 6 mois, c'est un sacré nombre.

N.B. : Ce top 10 ne concerne que les films qui sont sortis au cinéma en France en 2021. 


Nationalités : Française-britannique.

Sortie : 26 mai 2021. 

De quoi ça parle? : 
Alors qu’il vieillit et devient de moins en moins autonome, un père refuse l’aide de sa fille. Voyant la situation se dégrader, il commence à douter de ses proches, de son propre esprit et même de ce qui est réel.

Pourquoi j'ai aimé :

The Father ce n'est pas seulement une histoire d'un homme atteint de la maladie d'Alzheimer, c'est une expérience à part entière. De par son langage, le cinéma permet justement que l'expérience soit d'autant plus immersive. En effet, on est complètement déstabilisés au niveau de la temporalité et ce, durant tout le film. La perte de repères du personnage principal nous envahit alors et on se retrouve, comme lui, complètement perturbés et troublés par les évènements.

Comme un puzzle ou une énigme qu'on voudrait résoudre, on s'acharne à essayer de comprendre, à trouver un sens à ce qui se déroule. Cet exercice est vertigineux et inatteignable étant donné qu'il n'y a ni de solutions, ni de réponses, ni de logique. Se déroulant dans un seul et même lieu qui est un immense appartement londonien, l'action est rythmée par le changement de pièces. Ainsi chaque changement, de la cuisine au salon, du salon à la chambre, provoque une désorientation totale puisque quasi systématiquement, on revit la même scène avec quelques détails qui se modifient. 

L'autre thème important au coeur du film c'est l'amour d'une fille pour son père. L'interrogation du cinéaste-scénariste c'est : que fait-on de quelqu'un qu'on aime mais qui n'est plus là? On est donc confrontés à un double point de vue. D'une part, on est avec le père la majorité du temps et de l'autre on se retrouve dans la peau de la fille qui subit, d'une autre manière, cette situation qui s'aggrave devant ses yeux au fil des jours et face à laquelle elle ne peut rien faire si ce n'est d'assister avec incompréhension et frustration.

Pour interpréter ses deux rôles forts, qui de mieux que les britanniques Anthony Hopkins et Olivia Coleman? Le choix du premier est intelligent et rusé puisqu'il est impossible de ne pas penser à toute sa carrière et à tous les personnages qu'il a interprété. On perçoit aussi bien du Hannibal Lecter que du Henry J. Wilcox (Retour à Howards End de James Ivory, 1992). Cela a évident pour effet d'apporter beaucoup d'ampleur au tout. Quant au choix d'Olivia Coleman il est génial et pertinent tout simplement parce qu'il n'y a, aujourd'hui, aucune actrice capable d'exprimer autant d'émotions par un regard, un sourire, un geste. À eux d'eux, ils nous bouleversent dans tous les sens et on ne peut être que toucher par la perfection de leur jeu. 

Film labyrinthique et cauchemardesque construit comme un thriller, The Father est loin d'être un drame anodin. Avec un sens du détail et une maitrise de la mise-en-scène fine, Florian Zeller accomplit l'exploit d'un premier long-métrage d'exception. J'ai hâte de voir la suite de sa carrière!

Nationalité : chinoise.

Sortie : 9 juin 2021. 

De quoi ça parle? : 
Pak, chauffeur de taxi et Hoi, retraité, vivent à Hong Kong. Ils ont construit leur vie autour de leur famille mais leur rencontre, au hasard d’une rue, les entraîne sur les pentes d’une belle histoire d’amour, qu’ils décident de vivre sans toutefois bouleverser les traditions de leur communauté.

Pourquoi j'ai aimé :

Ce qui m'a énormément plu dans Un printemps à Hong Kong c'est la manière si délicate de Ray Yeung filme ses personnages. On sent toute la compassion qu'il a pour eux eux sans qu'il n'y ait jamais de doute sur ses motivations à les mettre en scène. Avec ce film, il nous montre qu'aujourd'hui, la relation entre deux hommes n'est pas encore considérée comme Amour mais comme situation inédite et non conventionnelle d'autant plus lorsqu'il s'agit d'hommes d'un certain âge. 

D'autre part, tourné dans le quartier appelé Kowloon City qui est très différent de ce qu'on voit habituellement de Hong Kong (ses centres commerciaux de luxe et ses hôtels très chers), tous les lieux sont représentatifs de la classe ouvrière dont font partie les personnages principaux. Ils sont deux hommes ordinaires, qu'on pourrait croiser tous les jours et dont on ne pourrait jamais imaginer qu'ils soient homosexuels. Sachant que le film est aussi une romance, le défi était de montrer la réalité de ces lieux urbains tout en y infusant du beau et de la poésie.

Je n'ai aucun défaut à relever par rapport à ce film pour tout avouer. Je n'ai pas vu le temps passer et j'ai éprouvé beaucoup de tendresse et de solidarité pour ce couple. Je ne peux donc que vivement vous le recommander et en parler autour de vous pour que les mentalités changent. 


Nationalité : française.

Sortie : 16 juin 2021. 

De quoi ça parle? : 
Difficile pour Virginie de concilier sa vie d’agricultrice avec celle de mère célibataire. Pour sauver sa ferme de la faillite, elle se lance à corps perdu dans le business des sauterelles comestibles. Mais peu à peu, ses enfants ne la reconnaissent plus : Virginie semble développer un étrange lien obsessionnel avec ses sauterelles...

Pourquoi j'ai aimé :

Malgré sa dimension fantastique, il faut savoir qu'il s'agit avant tout d'un film centré sur une famille. Justement, je pense que c'est la raison principale pour laquelle il m'a totalement retournée et surprise dans le bon sens du terme. La mère (interprétée avec brio par Suliane Brahim) est un personnage féminin fort comme on n'a, malheureusement, pas assez l'habitude d'en voir sur le grand écran. Bien que cela la pousse à son propre sacrifice, sa détermination à réussir à tout prix pour donner un meilleur avenir à ses enfants est bouleversante. Il y a quelque chose de viscéralement humain dans son comportement outre-mesure : l'envie de se surpasser et surtout le besoin de protéger sa progéniture. 

À travers le surnaturel, La Nuée parle du monde d'aujourd'hui, du déséquilibre qui affecte la population et les agriculteurs en particulier. Cette héroïne qui se bat contre le système établi montre qu'il n'y a pas d'évolution dans ce milieu et que le machisme est un frein conséquent à quelconque femme voudrait s'y intéresser. Par ailleurs, ce film dénonce notamment les dégâts de la société de consommation qui est en demande constante de quantité plus que de qualité. 

Si les scénaristes confient s'être inspirés des Dents de la mer de Steven Spielberg, Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock et La Mouche de David Cronenberg, Just Philippot invente un genre nouveau avec La Nuée.  Entre drame familial horrifique et cinéma d'auteur dans la lignée de films comme Grave de Julia Ducourneau ou encore Take Shelter de Jeff Nichols, ce premier long-métrage est un véritable coup de fouet sur le paysage cinématographique français. 


Nationalité : française.

Sortie : 14 juillet 2021. 

De quoi ça parle? : 
Un couple de cinéastes s'installe pour écrire, le temps d'un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. À mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…

Pourquoi j'ai aimé :

Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film c'est sa narration. En effet, le film entremêle deux récits à la fois. Pendant un moment, il n'est pas forcément évident de démêler les séquences qui appartiennent au futur de celles qui se sont déjà passées et s'ajoute à cela d'autres séquences qui sont des rêves. Si cela peut déstabiliser le spectateur, tout est résolu à la fin et l'ensemble est totalement cohérent et compréhensible. Personnellement, je suis impressionnée par un tel travail et j'admire, plus que jamais, Mia Hansen-Løve.

Aussi, Bergman Island repose notamment sur une thématique binaire : c’est un film sur l’amour du cinéma (celui pour Bergman surtout) mais aussi un film sur une double histoire d’amour. À travers son récit, la réalisatrice explore la question du couple liée à la question de l'inspiration. Deux thématiques qui, pour ma part, me passionne et qui, à travers cette fiction en particulier, est encore plus fascinante puisqu'il s'agit de raconter un épisode de la vie de deux cinéastes mariés qui viennent s'isoler sur l'île pour travailler chacun de leur côté sur un nouveau scénario respectif. 

Solitude, complicité,  jalousie, orgueil : voilà quelques sujets au coeur de cette histoire, tous représentatifs du processus de création et tous en rapport direct avec la manière dont Mia Hansen-Løve elle-même développe un film. Elle précise d'ailleurs : "J’ai parfois l’impression que faire des films me permet de récréer des souvenirs qui tendent à se substituer à la réalité qui les a inspirés. »

Enfin, Bergman Island c'est aussi et surtout un film sur un affranchissement, une émancipation. On suit les quatre personnages principaux durant une période restreinte de leurs vies et on témoigne de leur évolution comme les saisons qui s'enchainent et se passent sur l'île.

Je pense que vous l'aurez compris, j'ai vraiment adoré pour des raisons qui, peut-être ne vous toucherons pas autant qu'à moi. Je vous recommande de voir ce film en tout cas parce qu'il a été pour moi, un véritable coup de coeur et une immense source d'inspiration.


Nationalité : américaine.

Sortie : 17 septembre 2021. 

De quoi ça parle? : 

Antonio LeBlanc, d’origine américano-coréenne, a été adopté et a passé sa vie dans un petit village du Bayou de Louisiane. Il va devoir affronter les fantômes de son passé en apprenant qu’il risque d’être expulsé du seul pays qu’il ait jamais considéré comme le sien.

Pourquoi j'ai aimé :

Si j'ai autant aimé Blue Bayou c'est sûrement parce qu'il m'a appris quelque chose dont j'ignorais tout. En effet, il s'agit d'un film qui s'intéresse à un sujet plutôt méconnu soit le cas des enfants de Corée du Sud adoptés par des Américains qui ont été expulsés des Etats-Unis à l'âge adulte. 

Outre sa thématique subjuguante, Blue Bayou est un long-métrage à la photographie réussie. Mis en lumière par le chef opérateur Ante Cheng et tourné en pellicule 16mm, le film a une texture particulière qui permet d'entrer complètement dans l'univers dépeint.

Normalement, je préfère que les acteurs soient de la même nationalité que les personnages qu'ils interprètent. Je l'explique simplement par le fait que les accents spécifiques sont forcément plus crédibles lorsqu'ils sont réels et non appris. Ici que ce soit Alicia Vikander (qui est une actrice que j'adore) ou encore Justin Chon je ne pourrais pas affirmer que leur accent est parfait mais je les ai trouvé convaincants. 

Sinon en termes de casting, je l'ai trouvé tout simplement exceptionnel. Que ce soit la jeune Sydney Kowalske, Mark O'Brien ou encore Emory Cohen (que j'avais déjà vu dans Brooklyn de John Crowley), ils sont tous à la hauteur.

Si j'avais bien évidemment conscience que la politique migratoire américaine ainsi que son système administratif était absurde, je n'imaginais pas que c'était aussi grave. La mise en lumière de cette tragédie contemporaine à travers ce film m'a complètement retournée. Je ne vais pas vous cacher que j'ai pris une sacrée claque et que je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer à chaudes larmes (surtout à la fin). 

Blue Bayou c'est donc un vrai coup de coeur autant pour son scénario que tout ce qu'il y a autour. À voir absolument! 


Nationalité : française.

Sortie : 8 septembre 2021. 

De quoi ça parle? : 
Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va.

Pourquoi j'ai aimé :

Avant d'aller voir le film, je n'avais pas vu sa bande-annonce alors j'ignorais tout de l'histoire. Si j'ai été, comme tout le monde je pense, déconcertée par le début, je me suis rapidement laissée emportée par ce à quoi j'étais en train d'assister sans trop me poser de questions. Étant familière du cinéma d'Amalric, je savais que je pouvais lui "faire confiance" et je ne m'étais pas trompée sur ce point-là.

Serre Moi Fort m'a fait frémir, m'a touchée, m'a chamboulée et nombreux encore sont les verbes que je pourrais utiliser pour exprimer toutes les émotions qu'il a provoqué en moi.

Comment représenter le deuil? Comment transmettre la douleur à travers des images? Telles sont les questions posées par l'acteur-réalisateur et c'est, avec une certaine intelligence, qu'il a réussi à y répondre via son film. 

Entre imaginaire et réalité, on est ballotés entre deux mondes qui se confondent pour notre plus grand plaisir. Traités sur le même plan, il est, dans un premier temps, difficile de reconnaître le vrai du faux. L'intelligence de l'écriture, de la mise en scène et du montage est d'avoir réussi à ce que ce dispositif fonctionne à plusieurs niveaux. Personnellement, je suis admirative d'une telle prouesse et je ne peux que féliciter Mathieu Amalric d'avoir relever le défi de me surprendre une nouvelle fois avec sa dernière réalisation.

Le challenge était d'autant plus complexe à mettre en oeuvre puisque le tournage s'est étendu sur une très longue période, interrompue par plusieurs pauses (le tournage a débuté au printemps 2019, avant de reprendre en novembre de la même année et s’est terminé fin janvier 2020). 

Pour ce qui est du casting, c'est dès le début de l'écriture que Mathieu Amalric à penser à Vicky Krieps. Bien qu'elle avait lu la pièce, elle n'a pas lu le scénario avant d'accepter la proposition d'endosser le rôle principal. Résultat : ce fût le bon choix pour l'un comme pour l'autre puisque la performance de l'actrice luxembourgeoise est tout simplement époustouflante. 

Enfin, que ce soit les décors, les costumes, les accessoires ou encore la photographie : chaque élément n'est pas là au hasard et tout m'a énormément plu.



Nationalité : japonaise.

Sortie : 18 août 2021. 

De quoi ça parle? : 
Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.

Pourquoi j'ai aimé :

De Ryusuke Hamaguchi j'avais déjà vu Senses (dont je vous avais parlé dans un article cinéma de juillet 2018),  Asako I et II (dont je vous avais parlé dans un article cinéma de février 2019) et Passion (dont je vous avais parlé dans un article cinéma de juin 2019). Force est de constater que le cinéma du réalisateur japonais me touche puisque j'en parle à chaque fois que je découvre une nouvelle de ses oeuvres. Je crois bien que Drive my car est celle que j'ai préféré.

Et pourtant, ce n'était pas joué d'avance parce que j'ai failli de pas avoir le courage de passer 3h enfermée dans une salle de cinéma. Parce que oui, Drive my car dure trois heures. Impossible de ne pas le mentionner dans cette critique toutefois, je tenais surtout à vous rassurer : on ne les voit pas passer. Le rythme du film est justement très intéressante et parfaitement proportionnée selon moi. Alors que la bande-annonce ne révèle qu'une partie de ce dont il est question dans l'ensemble, j'ai été ravie de voir qu'il ne s'agissait pas seulement d'une histoire d'un homme se faisant conduire là ou il voulait par une femme.

Ce qui m'a particulièrement plu c'est la construction progressive du rapport entre les deux protagonistes. On passe d'une première phase d'observation pour arriver à de vrais échanges. À travers leurs confidences, ils s'apprivoisent et apprennent à se connaître et nous suivons le même parcours. 

L'autre raison pour laquelle j'ai vraiment apprécié ce film est sûrement parce qu'il traite du deuil : un sujet qui m'émeut particulièrement. Ici, il est question de faire passer le message qu'il faut vivre malgré la douleur, ne pas se morfondre et essayer, au contraire, d'avancer toujours plus loin. 

Par ailleurs, l'autre thème passionnant de Drive my car (auquel je ne m'attendais pas) tourne autour de l'art dramatique. En effet, le personnage principal est metteur en scène de théâtre et il est justement en train de monter une nouvelle pièce. On est plongés dans son processus de création et les répétitions qu'il mène avec ses comédiens sont toutes aussi prenantes les unes que les autres. 

Enfin, le talent de Ryusuke Hamaguchi selon moi, c'est qu'il réussi à être profond sans être donneur de leçons. Tout est dans la subtilité et chaque élément de son histoire est raconté avec la distance idéale et surtout, beaucoup d'intelligence. Ainsi, même si plusieurs récits s'entrecroisent sur trois heures entières, on est captivés du début à la fin sans même penser à ce qu'il se passe en dehors de ce film.

Drive my car est une véritable expérience humaine qui nous fait ressentir, en continu, une palette d'émotions.


Nationalité : française.

Sortie : 20 octobre 2021. 

De quoi ça parle? : 
Jean, cadet d’une famille nombreuse, grandit au sein d’une communauté sous influence de Chris, un guide spirituel. Après avoir reçu une cassette de sa sœur qui vit recluse, il redécouvre des voix et des sons de son passé. Les souvenirs se mettent à émerger et Jean décide de partir sur les traces de Chris, dans un voyage qui le mènera au Japon, en Indonésie et en Bulgarie. Pendant cette quête, il découvrira le secret de son père, des années après sa mort.

Pourquoi j'ai aimé :

Premier long-métrage pour le DJ-compositeur-producteur français Jean-Baptiste de Laubier, il s'agit d'une auto-production. La décision de produire lui-même son film était raisonné puisqu'en effet, le réalisateur avait conscience que la structure inédite de son projet l'excluait du système de financement classique. Ainsi, il a inventé son propre procédé. Le résultat? Un film déroutant, qui subjugue et tient en haleine le spectateur du début à la fin.

Pour ma part, après être sortie de la salle, totalement chamboulée par ce à quoi je venais d'assister, je n'avais qu'une envie : crier. Autant de joie que de tristesse, autant d'excitation que de colère. J'étais dans un état second, comme sur un nuage ou propulsée dans un monde parallèle. Tel un coup de poing qui vous assomme, j'ai immédiatement pensé que ce film était MON coup de coeur de l'année 2021. Et oui, rien que ça!

L'une des spécificités de Spectre: Sanity, Madness & the Family est de mêler fiction et documentaire. Si ce choix a été principalement fait afin de protéger certains proches de Para One qui voulaient garder l’anonymat, ce format s’explique également par le fait que le récit s’appuie sur la mémoire. Il y a alors une part de reconstruction et donc d'invention, d'imaginaire qui s'incarne dans le film par des acteurs qui rejouent des scènes parfois authentiques, parfois écrites selon le principe de l’autofiction.

Ces séquences jouées cohabitent avec des images tournées par le réalisateur sur une période d'une vingtaine d'années, jusqu'alors compilées sans réel but. Et c'est ce mélange si particulier qui permet d’atteindre une réalité alternative. 

Tel un rêve éveillé, on suit le mouvement sans être maîtresse et/ou maître de la situation. Par conséquent, on est envahis par une multitude de sensations et émotions divergentes qui nous déstabilisent inlassablement.

Avec ce projet, Para One voulait explorer les racines intimes de la création artistique. À travers une histoire partiellement fictive de sa propre famille, il avait pour souhait de remonter aux sources mêmes de ce qui l'a poussé depuis toujours à exprimer ses intuitions sous forme stylisée. 

Telle une quête, ce premier long-métrage a pour objectif de reconstituer la musique perdue de l'enfance de l'artiste, musique qu'on découvre avoir été composée par un maître spirituel sous l’influence duquel sa famille a évolué pendant plusieurs décennies.

Passionnant est l'adjectif que j'utiliserais pour résumer en un seul mot ce film qui m'a emmenée ailleurs. 

Maintenant, je ne peux que vous recommander de le découvrir à votre tour. Vous m'en direz des nouvelles!


Nationalité : française.

Sortie : 24 novembre 2021. 

De quoi ça parle? : 

France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi. Les examens approchent, son ventre s’arrondit.

Pourquoi j'ai aimé :

Outre sa dénonciation évidente envers les injustices subies par les femmes, ce deuxième long-métrage est un moyen pour la réalisatrice d'explorer des sensations intimes qui ne cessent de croître tout au long du récit. Ainsi, on est directement confrontés avec la réalité concrète du processus de l'avortement clandestin. 

Tourné en 1.37, format du portrait, L'évènement se concentre sur l'essentiel et embrasse le regard de la protagoniste. Ce choix a permis à la cinéaste de contourner l'idée de la reconstitution et de plonger le spectateur dans un récit au présent. On est focalisés sur le personnage principal, au centre de l'action, élément avec lequel on ne fait qu'un, à travers lequel on observe, on ressent, on se laisse surprendre, on subit, en silence.

Dans cette optique, Audrey Diwan a poussé son chef opérateur Laurent Tangy à ne faire qu'un avec Anamaria Vartolomei. Ensemble, ils ont trouvé un rythme commun avec comme objectif d'être sans cesse à la hauteur du personnage, faire le point sur ce qu'elle regarde de manière viscérale. On vit alors, avec l'héroïne, les jours, les heures qui passent avant l'acte, tout comme on assiste au pendant et à l'après. L'expérience est aussi bien mentale que physique. Impossible de sortir indemne de la salle...

Cette idée de ne pas détourner le regard, même aux moments les plus durs, était primordial pour la réalisatrice. Les séquences sont donc filmées dans la longueur, sans coupes, ne nous laissant pas un instant pour souffler. 

Personnellement, j'ai eu l'impression d'être complètement vidée, comme si toute mon énergie et ma concentration avait été aspirées. En sortant de la salle, je suis allée respirer un coup dehors pour me ressaisir (avant d'aller voir Aline de Valérie Lemercier afin de me changer les idées).

Enfin, l'autre aspect intéressant du film est qu'il s'intéresse à la question des classes sociales. Anne, fille de prolétaire, est une jeune femme qui aspire à un avenir ambitieux. Ce sont ses études qui vont lui permettre d'accéder à une classe sociale supérieure et c'est cette volonté de réussir qui la pousse à refuser d'enfanter à ce moment charnière de sa vie.

Si L’Événement a obtenu le Lion d’or lors la Mostra de Venise 2021 ce n'est pas un hasard. C'est la preuve qu'il faut "choquer" pour se faire entendre et qu'il ne faut jamais baisser les bras pour obtenir gain de cause. Le chemin est encore long pour les femmes toutefois les récompenses comme celles-ci donnent de l'espoir quant au futur!


Nationalité : russe.

Sortie : 1 décembre 2021. 

De quoi ça parle? : 
Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d'enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

Pourquoi j'ai aimé :

Rares sont les fois où j'ai envie de quitter la salle néanmoins cela m'arrive et ce fut le cas avec La fièvre de Petrov. Pourquoi alors, je vous en parle aujourd'hui? Tout simplement parce qu'après les trente premières minutes, j'ai fini par lâcher prise et me suis laissée emporter par l'énergie inédite et déroutante du film.

Tout comme le livre dont il est adapté, la narration du film est moderniste et son style, inhabituel. Les intrigues s'entremêlent, se répètent, tout comme les époques, ce qui a pour effet de plonger le spectateur dans la plus grande des confusions. 

À l'image de ce qui se passe dans l'esprit du héros, on saute d'un souvenir à l'autre comme si on était nous même atteint par cet état grippal, pris d'une fièvre infernale, nous empêchant de faire la distinction entre la réalité et l'imaginaire, le passé du présent. 

Mise à part la narration embrouillée, ce long-métrage est, d'un point de vue technique, tout aussi complexe et impressionnant. Vladislav Opelyants, le directeur de la photographie, a largement contribué au résultat final en faisant un travail 100% fait main, sans avoir recours aux images de synthèse.

Enfin, pour interpréter Petrov, le cinéaste russe a choisi le directeur de théâtre et acteur Semyon Serzin, qui avait initialement reçu la proposition de monter une pièce inspirée du livre. Personnellement, je l'ai trouvé absolument fantastique, tout comme le reste du casting.

Avec ce film, Kirill Serebrennikov nous offre sa vision de ce que la Russie est pour lui. À travers l'empathie, le partage des souvenirs d'enfance, des peurs, des joies, des rêves, il raconte à son public ce qu'il aime, déteste, adore, ce qui le fait enrager aussi. Il a avoué que, tourné durant une période sombre de sa vie, La Fièvre de Petrov lui a servi de bouée de sauvetage.


Anecdotes : 
1. La Fièvre de Petrov se déroule dans la ville russe de Iekaterinbourg, située en Sibérie occidentale. Si certaines séquences ont été filmées sur place, la majorité du film a été tournée à Moscou.
2. Kirill Serebrennikov n’a pas pu présenter son film au Festival de Cannes en 2021, où il était sélectionné. Accusé d'avoir détourné des subventions publiques avec sa compagnie de théâtre, le cinéaste avait l’interdiction de quitter la Russie. En 2018 déjà, le cinéaste n’avait pas pu se rendre sur la Croisette avec Leto car il était assigné à résidence.


Voici donc pour mon top 10 films de 20201. 




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