Bonjour, bonsoir, j'espère que vous allez bien! Aujourd'hui, comme toujours je vais vous faire part de cinq films que j'ai vu au cinéma dernièrement toutefois il s'agit de cinq films tous réalisés par des femmes.
Pour tout vous avouer, je n'ai même pas fait vraiment exprès. Je me suis rendue compte de ce point commun en faisant la sélection parmi tous les films que j'ai et ce sont ces cinq là qui sont sortis du lot. J'ai pensé qu'il serait bien de le mettre en avant pour montrer que les réalisatrices sont belles et bien présentes sur la scène cinématographique et qu'il est essentiel de les mettre en avant.
Au programme nous allons voyager de la Suède, au Québec puis nous ferons un tour en Australie, en passant par Londres, la Russie, la Suisse notamment et même le Liban!
Ils sont assis dans un avion qui se rend sur l'île de Fårö. Elle est recroquevillée sur lui avec un masque de nuit pour lui cacher les yeux. Elle dit qu'elle ne prendra plus jamais l'avion avec lui parce que s'ils mourraient tous les deux, leur fille serait orpheline. À cette phrase, il répond : "She'll manage" ("Elle se débrouillera"). Voilà comment, avec la première séquence du film, Mia Hansen-Løve nous raconte toute l'histoire de ce couple, leur rapport et leurs caractères. Avec ce court échange, qui peut sembler banal, j'ai su que Bergman Island allait me plaire.
Pour ceux qui l'ignorent, Fårö est l'île qu'Ingmar Bergman avait choisi pour résidence principale et sur laquelle il a tourné six longs-métrage (À travers le miroir, Persona, L'Heure du loup, La Honte, Une passion et Scènes de la vie conjugale). À la mort du cinéaste, son héritage fut racheté par un homme d’affaires norvégien, permettant de ne pas le disperser. Il a par ailleurs créé, avec Linn Ullmann (la fille de Bergman et Liv Ullmann), une fondation permettant, selon le souhait de Bergman, à des artistes ou à des chercheurs de tous horizons de résider dans une de ses maisons pour y développer un projet, sans obligation de lien avec son œuvre. C’est via cette fondation que Bergman Island est né.
Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film c'est sa narration. En effet, le film entremêle deux récits à la fois. Pendant un moment, il n'est pas forcément évident de démêler les séquences qui appartiennent au futur de celles qui se sont déjà passées et s'ajoute à cela d'autres séquences qui sont des rêves. Si cela peut déstabiliser le spectateur, tout est résolu à la fin et l'ensemble est totalement cohérent et compréhensible. Personnellement, je suis impressionnée par un tel travail et j'admire, plus que jamais, Mia Hansen-Løve.
Aussi, Bergman Island repose notamment sur une thématique binaire : c’est un film sur l’amour du cinéma (celui pour Bergman surtout) mais aussi un film sur une double histoire d’amour. À travers son récit, la réalisatrice explore la question du couple liée à la question de l'inspiration. Deux thématiques qui, pour ma part, me passionne et qui, à travers cette fiction en particulier, est encore plus fascinante puisqu'il s'agit de raconter un épisode de la vie de deux cinéastes mariés qui viennent s'isoler sur l'île pour travailler chacun de leur côté sur un nouveau scénario respectif.
Solitude, complicité, jalousie, orgueil : voilà quelques sujets au coeur de cette histoire, tous représentatifs du processus de création et tous en rapport direct avec la manière dont Mia Hansen-Løve elle-même développe un film. Elle précise d'ailleurs : "J’ai parfois l’impression que faire des films me permet de récréer des souvenirs qui tendent à se substituer à la réalité qui les a inspirés. »
Enfin, Bergman Island c'est aussi et surtout un film sur un affranchissement, une émancipation. On suit les quatre personnages principaux durant une période restreinte de leurs vies et on témoigne de leur évolution comme les saisons qui s'enchainent et se passent sur l'île.
Je pense que vous l'aurez compris, j'ai vraiment adoré pour des raisons qui, peut-être ne vous toucherons pas autant qu'à moi. Je vous recommande de voir ce film en tout cas parce qu'il a été pour moi, un véritable coup de coeur et une immense source d'inspiration.
J'en profite pour vous recommander Le père de mes enfants de Mia Hansen-Løve qui est le premier film que j'ai vu d'elle et qui m'avait particulièrement marquée pour sa profondeur et sa justesse (il s'agit de son deuxième long-métrage sorti en 2009).
Anecdotes :
1. La partie avec Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie a été tournée en été 2018 et l’autre partie a été mise en boîte l’été suivant.
2. Greta Gerwig devait, à l'origine, tenir le rôle de Chris. Occupée par Les Filles du docteur March, elle a dû renoncer à Bergman Island à deux mois du tournage, en mai 2018. Elle a proposé à Mia Hansen-Løve de repousser le tournage d’un an mais la cinéaste ne pouvait se résoudre à prendre le risque de perdre Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie. C’est après l’avoir découverte dans Phantom Thread de Paul Thomas Anderson que Mia Hansen-Løve a finalement choisi Vicky Krieps.
Kuessipan de Myriam Verreault (2021).
Kuessipan est adapté du recueil de récits poétiques éponyme écrit par Naomi Fontaine, une Innue de Uashat (petite baie du Fleuve St-Laurent enclavée dans la ville Sept-Îles) qui vit aujourd’hui à Québec. Avec son livre, son intention était de donner à voir des visages, des lieux et des moments vécus dans sa communauté. Elle explique : "Le désir de m’éloigner des images généralement véhiculées de Uashat mak Mani-Utenam, celles du désœuvrement et de la perte d’identité. Kuessipan, c’est d’abord « à toi », « à eux », à ceux dont je parle, d’exister en dehors des préjugés". Kuessipan signifie justement « À toi », « À ton tour » : un titre qui fait directement écho à l’histoire et au processus de création.
Quatrième long-métrage pour la réalisatrice, Kuessipan raconte une touchante histoire d'amitié féminine entre deux enfants du même territoire qui deviendront des jeunes femmes diamétralement opposées. Si l'une choisit de se réfugier dans l'écriture et rêve de s'enfuir pour découvrir le reste du monde, l'autre enfante pour perpétuer la tradition et son groupe ethnique : elle devient celle au ventre rond, symbole de la cause des femmes indiennes.
À travers son film, Myriam Verreault réussit à montrer comment les liens amicaux d'enfance, forts et absolus, évoluent à l'adolescence et deviennent, malgré toute la bonne volonté des protagonistes, plus fragiles et déroutants.
La voix off de la narratrice, comme du slam doux et mélodieux, nous plonge immédiatement dans son intérieur et nous permet de mieux saisir son envie de s'extirper du quotidien de la réserve où elle a grandi, trop étriquée pour ses rêves de nouveautés et d'ailleurs. Ainsi, le récit se teinte d'humour, de tendresse et d'un brin de nostalgie aussi, qui nous berce tout le long du film.
Kuessipan c'est aussi une oeuvre qui développe divers sujets comme l'identité, l'héritage sanguin, la famille, la condition féminine et qui se penche notamment sur la question de l’intégrité culturelle, la fermeture et l'ouverture de la société occidentale. Ce projet est l'occasion de faire part au grand public de problématiques trop souvent laissées de côté ou mal exploitées et d'interroger sur le racisme latent, la crainte de l'autre, l'inconnu, le différent.
Enfin, cette histoire d'amitié fusionnelle, plus pertinente que jamais, témoigne avec humilité de l'actualité de notre monde et de son futur incertain. Si la communauté des Innus (qui ne compte plus que vingt mille membres aujourd'hui) est le sujet principal de cette oeuvre, leur situation angoissante face à leur survie est universelle et s'applique évidemment au reste des continents.
Kuessipan c'est donc tout ça, un film aussi poétique que percutant, intelligent qu'émouvant. À voir!
Anecdote : Pratiquement tous les comédiens sont des Innus. Il s'agissait, pour la majorité, de leur toute première expérience professionnelle de jeu.
Milla est une adaptation de la pièce Babyteeth de Rita Kalnejais. C'est grâce aux productrices Jan Chapman et Alex White qui ont eu un coup de cœur pour la pièce que ce projet a été porter à l’écran.
Premier long-métrage pour la réalisatrice Shannon Murphy, elle raconte avoir retrouvé exactement son sens de l'humour et sa sensibilité dans le scénario : ce qui lui a donné envie de le mettre en scène.
Dans l'optique d’obtenir une narration directe et authentique, l'histoire est découpée en plusieurs chapitres, chacun accompagné d’un titre. Ces chapitres n’étaient pas présents dans la pièce d’origine, Rita Kalnejais (la scénariste) les a ajoutés comme des indications d’émotions auxquelles les acteurs devaient penser. Shannon Murphy a pensé bon de les inclure à son film parce qu'ils permettent de montrer le passage du temps et représentent la voix intérieure du personnage principal.
D'autre part, la cinéaste s'est inspirée de films comme Une femme sous influence de John Cassavetes ou encore Breaking the Waves de Lars von Trier qui ont pour point commun d'être enracinés dans le réel malgré un chaos apparent. L'idée principale était de ne pas tomber dans la caricature mais de proposer quelque chose de naturel et de ne surtout pas tomber dans le sentimentalisme.
Ce qui m'a plu c'est justement cette authenticité et ce refus catégorique de chercher à faire pleurer le spectateur. L'émotion est d'autant plus intense puisqu'elle est transmise par un casting qui interprète avec une justesse infinie des détails du quotidien. Que ce soit les regards, les attitudes, la manière de se déplacer ou de s'exprimer : tout est crédible et vibrant d'humanité.
J'avais déjà vu par le passé Eliza Scanlen dans Les filles du Docteur March de Greta Gerwig (2020) et Le diable tout le temps d'Antonio Campos (2020) et c'est vraiment ce film qui m'a fait découvrir son potentiel émotionnel. Son partenaire de jeu, Toby Wallace, est lui aussi impressionnant, tout particulièrement par sa présence et son intensité. Quand on sait qu'ils ont 22 et 25 ans, il y a de quoi rougir par une telle implication et un tel talent!
Milla c'est un film à la fois doux et percutant, qui vous berce et qui vous bouscule. J'en garde un très bon souvenir et je ne peux que vous recommander de le regarder à votre tour.
Anecdote : Eliza Scanlen a appris le violon en deux semaines et s’est rasée la tête pour les besoins du film.
My Zoé de Julie Delpy (2021).
Julie Delpy a toujours eu une fascination par rapport au fait que nous sommes des individus uniques et irremplaçables. À l’origine de My Zoe, il y avait donc l'idée de développer une histoire autour de ce thème et le désir de questionner ce qui nous définit à la fois génétiquement et culturellement.
En observant son fils ou les enfants de ses amis, la cinéaste a constaté que notre nature, celle qui nous constitue fondamentalement, est extrêmement puissante. D'autre part, par rapport aux interrogations faites par son fils et des anecdotes qu'il lui avait racontées, elle s'en est servie comme inspiration pour son scénario.
Structuré en trois actes, le script de My Zoé s'éloigne, au fur et à mesure, du réalisme. Cette évolution se fait en douceur et est absolument captivante. Je dois avouer que, malgré que je sois admirative d'elle, jamais je n'aurais pu imaginer que Julie Delpy pourrait se lancer dans une narration comme celle-ci, mêlant drame classique et science-fiction légère.
La virtuosité dans ce film c'est que, bien que le sujet abordé soit d'une gravité et d'une tristesse sans nom, l'atmosphère générale n'en ai pas plus sombre et déprimante. Au contraire, on est baignés de lumière, froide certes, toutefois claire et enrobante.
Pour ce qui est des cadres, ils sont tous très aérés, laissant de la place pour que les acteurs/personnages puissent circuler et pour que le regard des spectateurs puissent notamment naviguer dans l'image. Ainsi, en mettant de l'espace entre les protagonistes, l'effet produit quand ils se rapprochent est d'autant plus puissant.
Autre détail qui m'a beaucoup plu : le casting composé d'acteurs aux diverses nationalités. Cela peut paraître bête néanmoins, je trouve qu'étant donné que le cinéma est international, autant mélanger cultures au sein d'un même projet non?
My Zoé est une oeuvre à l'image de sa réalisatrice soit profondément audacieuse, brillante et poignante. Si vous êtes, comme moi, sensible aux oeuvres qui traitent de la maternité, je pense que vous ne pourrez qu'être désarmé(e) par ce film. Si vous ne l'êtes pas, c'est pareil hahaha. Foncez!
Anecdotes :
1. Le titre (et donc au prénom de l'enfant), n'a pas été choisi par hasard. Effectivement, en grec, Zoé signifie « la vie qui se renouvelle ». Et « My » Zoé renvoie à l’idée que cette enfant va devenir celui d’Isabelle.
2. La réalisatrice a fait le choix de ne pas inclure beaucoup de musique dans My Zoe. Julie Delpy et son équipe ont ainsi beaucoup travaillé les sons de la vie quotidienne au mixage (ventilateurs, oiseaux, vie urbaine, etc.). Chaque son a été étudié. Au fur et à mesure que le récit avance, les sons deviennent de plus en plus pesants. Par exemple, les oiseaux disparaissent presque du deuxième acte, hormis au petit matin. Et vers la fin, il n’y a presque plus de sons, car les sens finissent par disparaître.
Sous le ciel d'Alice de Chloé Mazlo (2021).
Sélectionné à la Semaine de la Critique Cannes 2020, Sous le ciel d'Alice est un film que je suis allée voir d'abord pour Alba Rohrwacher (dont je suis fan) et ensuite parce qu'il avait l'air fort sympathique de par son affiche et son titre.
Les parents et les grands-parents de Chloé Mazlo lui ont toujours décrit le Liban d’avant-guerre comme un paradis où ils menaient une vie heureuse sous un soleil omniprésent qui, quand la guerre civile a débuté s'est effondré brutalement. C'est par le récit familial de ce conflit que l'origine de Sous le ciel d'Alice a donc été trouvée.
Son premier court-métrage, Deyrouth (2009), racontait déjà la fascination de la réalisatrice pour ce pays. Il racontait son voyage initiatique vers la contrée de ses racines. C'est au fil des années seulement qu'elle a décidé de s'intéresser plus en détails aux destinées des membres de sa famille, à leurs souvenirs et à la manière dont ils avaient vécu le conflit. Sous le ciel d'Alice, qui est son premier long-métrage, est un mélange de toutes les anecdotes qu'on lui a racontées.
Ce qui est très beau dans ce projet c'est à la fois le travail sur la mémoire mais aussi et surtout, le fait d'associer faits réels et fantaisie. En effet, le film est loin d'être tragique. Alice, le personnage principal inspiré de la grand-mère suisse de la cinéaste, est un vecteur de positivité, de liberté et de romantisme. Par son énergie et sa confiance en la vie, on garde espoir et on se dit que tout va s'arranger.
Selon moi, cette chaleur humaine, est palpable non seulement par cette héroïne mais aussi par la mise-en-scène. Le choix de travailler avec de la pellicule est particulièrement judicieux puisqu'il apporte une palette de couleurs sublime devant laquelle s'émerveiller et se rapproche de l'image des photos familiales des années 70.
Avec ce film, le but de Chloé Mazlo n'était pas de faire une oeuvre naturaliste ou réaliste, bien au contraire. On est davantage dans la féérie, le rêve et c'est cet aspect là qui m'a complètement emportée et ravie. Cette gaité on la retrouve notamment grâce à l'utilisation de l'animation en stop motion pour certaines séquences. Un autre outil qui m'a beaucoup plu!
Pour la mixité des techniques utilisées, pour l'étendue des émotions éprouvées, pour son côté burlesque et solaire, pour sa douceur mais aussi pour sa gravité, pour sa finesse et j'en passe, Sous le ciel d'Alice est un film à voir au plus vite!
Anecdotes :
1. Hormis les deux acteurs principaux, toute la famille est composée uniquement de comédiens libanais.
2. Le film n'a pas été tourné au Liban. L'appartement a ainsi été construit dans les studios de Bry-sur-Marne, les autres intérieurs en région parisienne et tous les extérieurs à Chypre.
Voilà, voilà, pour ce nouvel article cinéma, que j'ai mis beaucoup trop de temps à terminer mais qui, je l'espère, vous plaira! Je vous souhaite à toutes et à tous une excellente fin de semaine et vous retrouve prochainement.
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