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mercredi 29 décembre 2021

Cinema | Recommandations cinématographiques #29

Bonjour, bonsoir, j'espère que vous allez bien! Aujourd'hui je partage avec vous cinq nouveaux coups de coeur cinématographiques. Sur les cinq films, trois ont été réalisé par des femmes et deux sont des documentaires qui m'ont marquée tout particulièrement.
Le milieu de l'horizon de Delphine Lehericey.

J'ai failli rater ce film parce qu'il ne passait que dans un nombre très limité de salles à Paris et qu'il n'est resté à l'affiche même pas deux semaines. 

Le milieu de l'horizon est le deuxième long-métrage de fiction de Delphine Lehericey. En 2013, était sorti Puppylove et précédemment elle avait notamment réalisé les documentaires Mode in Belgium (2012) et Kill the referee (2009). Pour ma part, je n'ai pas vu ces trois premiers films toutefois je suis curieuse de découvrir le reste du travail de la réalisatrice suisse.

Tiré du livre éponyme de Roland Buti, publié en 2013, ce deuxième film était l'occasion pour la cinéaste de raconter une histoire sur les enjeux de la fin d'un certain monde paysan, la fin de l'enfance ainsi que la fin d'une relation de longue date. Un vaste projet qui, bien qu'il semble ambitieux, tient sa promesse.

Ce qui est intéressant avec Le milieu de l'horizon c'est que, malgré le fait que le récit se déroule dans les années 1970 (et c'est un détail qui m'a particulièrement plu parce que je suis fan de cette décennie), les thèmes abordés sont toujours d'actualité. En effet, que ce soit la place de la femme dans la société, l'industrialisation de l'agriculture, les changements climatiques, l'adolescence ou les conflits familiaux : tous les sujets de ce film sont intemporels et universels.

Si le résultat est aussi réussi selon moi c'est notamment parce que la réalisatrice a elle-même vécue une expérience similaire au personnage de la mère. Ce qui l'a particulièrement marquée par cette histoire c'est qu'elle est regardée par le point de vue du fils. C'est donc à travers les yeux d'un enfant qui va devenir un jeune homme qu'on vit, qu'on ressent tout. 

Personnellement, ce qui m'a donné envie de voir Le milieu de l'horizon c'est tout simplement parce que j'admire tout autant Laetitia Casta que Clémence Poésy et que j'étais impatiente de les voir réunies à l'écran. Si leur alchimie et complicité est indéniable et que leur prestation est excellente, je dois admettre que j'ai été encore plus impressionnée par le jeu de Luc Bruchez qui joue le fils et tient le rôle principal. Cela a beau être sa première expérience au cinéma, je l'ai trouvé juste, charismatique, bouleversant.

Enfin, ce que j'ai adoré c'est la photographie. Tourné à la pellicule, les couleurs du film sont chaleureuses et m'ont fait totalement rêver. J'ai aussi vraiment apprécié la manière de cadrer les acteurs et la lumière en générale. 

Bref, Le milieu de l'horizon est un film que je suis heureuse d'avoir pu voir sur grand écran et que je vais continuer de recommander à toutes les personnages qui me demanderont une idée de film à voir.

Anecdote : C'est lors d'un trajet en voiture avec sa mère que Luc Bruchez a entendu à la radio une annonce pour le casting du film.

À la vie d'Aude Pépin.

C'est suite à la recommandation de Capucine du compte instagram @la.machine.infernale que je me suis précipitée en salles pour aller voir ce documentaire. Son conseil a été fort bon puisque j'ai été absolument bouleversée par À la vie.

Comédienne et journaliste, Aude Pépin a collaboré pendant quinze ans au Zapping. Après avoir obtenu son diplôme de journaliste au CFPJ, elle travaille pour l’émission de France 5, La Maison des maternelles, qui lui permet de rencontrer Chantal Birman qui est au coeur de ce film.

Chantal Birman, comme vous l'apprendrez en voyant ce merveilleux documentaire qui lui est consacré, est une sage-femme qui a pratiqué pendant 49 ans. À la vie, suit sa dernière année de travail avant qu'elle parte à la retraite en 2020.

Si Aude Pépin a ressenti la nécessité de briser le tabou qui entoure le post-partum c'est parce qu'elle a elle-même vécu une période très difficile après la naissance de sa fille, qui a frôlé la mort. 

Dix ans après cet épisode traumatisant, la cinéaste s'est dit qu'il était temps de développer un projet sur le sujet. Son idée était de faire un film en se plaçant du côté de l'émotion et des sensations afin que les spectateurs, qu'ils soient de n'importe quel sexe, puisse ressentir et éprouver ce que traversent les femmes qui viennent d'accoucher.

Grâce à Aude Pépin et son regard, on entre dans la partie la plus intime de ces jeunes mamans. Des tétons, aux cicatrices en passant par les agrafes ou encore les couches, tout est montré sans filtres. Dans cette optique, l’équipe a dû se fondre dans le décor lors des visites chez les patientes malgré des intérieurs plus ou moins exigus. Pour ce faire, la réalisatrice guidait le chef opérateur in situ, à l’instinct, grâce au retour image et son, pour pouvoir ajuster les cadres et la mise en scène. 

Bêtement, avant d'aller voir ce film j'ai pensé que j'irai le voir seule parce que cela n'intéresserait pas mon meilleur ami. Au final, je lui ai proposé de m'accompagner et nous avons, autant été chamboulés l'un que l'autre. À la vie c'est donc une oeuvre à découvrir seul(e) ou accompagné(e) mais c'est surtout à voir ABSOLUMENT et sans hésiter!

Anecdote : Pour son engagement ininterrompu pour le droit des femmes et des mères, Chantal Birman a été promue chevalier, puis officier de la Légion d’honneur. 
First cow de Kelly Reichardt.

Bien que sa carrière ait commencé en 1994 (avant ma naissance), je n'avais encore jamais vu un seul film de Kelly Reichardt. C'est désormais chose faite puisque j'ai eu le plaisir de voir son dernier long-métrage au cinéma.

Je me souviens avoir vu l'affiche de First Cow des mois avant sa sortie dans le quartier d'Odéon à Paris. À l'époque je m'étais dit : je ne sais pas ce que c'est mais je veux le voir. Ainsi, avant même de savoir qu'il s'agissait d'un film de fiction (je m'étais imaginée qu'il s'agissait d'un documentaire) et avant d'apprendre qu'il a été produit par la société A24 (à qui l'on doit entre autres les chefs d'oeuvre Midsommar, The Lighthouse, Waves et Uncut Gems), j'avais déjà décidé que je ne raterai pour rien au monde cette sortie. 

Dès le premier plan où l'on voit des mains d'homme cueillir des champignons dans la forêt, j'ai su que First Cow allait me faire passer un bon moment. Cela peut sembler arbitraire et subjectif cependant j'ai été immédiatement séduite par l'image. Étant un peu obsédée par les mains en général notamment, je dois avouer que l'entrée en la matière a été d'autant plus plaisante.

Adapté du roman The Half-Life de Jonathan Raymond sorti en 2005, il s'agit de la sixième collaboration entre le scénariste-romancier et la cinéaste. Ils avaient déjà travaillé ensemble précédemment sur Old Joy (2006), Wendy et Lucy (2008), La Dernière piste (2010), Night Moves (2013) et Certaines femmes (2016).

L'histoire se déroulant dans les années 1820, Kelly Reichardt n'a pas pu compter sur l'utilisation de sources photographiques pour ses recherches. Avec son équipe, elle a donc lu plusieurs ouvrages sur cette époque et s'est basée sur des récits transmis de génération en génération. 

Afin de façonner le style visuel de son film, elle et son directeur de la photographie Christopher Blauvelt ont revu Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi et La Trilogie d'Apu de Satyajit Ray, qui se situent dans de modestes bidonvilles. Ils ont également puisé la palette de couleurs dans les tableaux de cow-boys de Frederic Remington, pour les bleus et verts sombres et la lumière ocre. 

Autre détail et pas des moindres : First Cow a été tourné en 4/3. Ce choix se justifie aussi bien par les actions des personnages qui creusent, fouillent la terre mais aussi par les décors et les accessoires comme les cheminées qui sont au niveau du sol ou encore la paillasse sur laquelle dort Cookie qui est tout est près du sol également. Par ailleurs, le format carré convient notamment aux grands arbres pour les extérieurs et accentue la proximité des éléments du plan avec le spectateur. Personnellement, c'est un format que j'affectionne particulièrement.

Sinon en termes de casting on est plutôt bien servis avec John Magaro (qui m'avait marquée dans la série The Umbrella Academy dont je vous avais parlé dans un article séries de novembre 2019) et Orion Lee dans les deux rôles principaux ainsi qu'Alia Shawcat, Toby Jones, Scott Sheperd et Ewen Bremner en personnages secondaires. 

Le récit se concentrant en particulier sur l'amitié grandissante entre les deux protagonistes, il était essentiel que les deux hommes choisis pour les interpréter est une complicité particulière. C'est le cas heureusement et c'est sûrement l'une des raisons pour lesquelles on s'attache autant à eux d'ailleurs.

Malgré le fait que le rythme de First Cow soit plutôt lent et que le film soit assez contemplatif, il m'a complètement captivée. Tout comme la recette de beignets qui permettent aux héros de connaître un certain succès, tous les ingrédients utilisés pour cette oeuvre sont raffinés et parfaitement associés les uns aux autres. Comme quoi pas besoin d'effets spéciaux ou de scénario alambiqué pour offrir un spectacle digne de ce nom.

C'est un coup de coeur!

Anecdotes : 
1. La vache utilisée pour le film se nomme Evie et a été sélectionnée à partir de plusieurs photos. Kelly Reichardt.
2. La costumière April Napier a imaginé ce que les gens portaient quand ils partaient de chez eux et le type de vêtements qu’ils réussissaient à se procurer en chemin. La réalisatrice se remémore : "On classait les costumes en fonction de l’état dans lequel les personnages arrivaient à destination, en fonction de l’emploi qu’ils occupaient, et de la question de savoir s’ils travaillaient au fort ou s’ils n’étaient que de passage. On a fini par travailler avec un chercheur, un certain Phil Clark, à Londres, parce que tous ceux qui conservaient des archives sur la région, qui prenaient des notes et dessinaient des croquis étaient anglais.
3. La région où se déroule le film s’appelle le Lower Columbia. C'est un endroit où la rivière Willamette se jette dans le fleuve Columbia à proximité du Portland actuel. Cette région est habitée depuis au moins douze mille ans.

Illusions perdues de Xavier Giannoli.

Alors qu'il n'avait encore que 20 ans et qu'il était étudiant en Lettres, Xavier Giannoli découvre le roman Illusions perdues d'Honoré de Balzac. 

Déjà à cette période, il envisageait d'en faire une adaptation cinématographique. Toutefois, il ne voulait pas se contenter de transposer tel quel le livre. C'est donc après des années à l'explorer, qu'il a choisi de se concentrer essentiellement sur sa deuxième partie.

Huitième long-métrage pour le réalisateur français, Illusions perdues est un véritable accomplissement selon moi. De la mise-en-scène, à la direction d'acteurs, en passant par les décors et les costumes, tout est mis en oeuvre pour nous en faire voir plein les yeux et nous immerger complètement dans le Paris du 19ème siècle.

Afin d'embrasser complètement le regard de Lucien (le personnage principal), le cinéaste a choisi de tourner avec des objectifs très particuliers qui déforment discrètement les perspectives, assombrissent parfois les bords de l’écran. Cela lui a permis d’ajouter à sa vision réaliste un décalage, une vision poétique, presque fantastique. 

Le choix de Benjamin Voisin a été une évidence pour Xavier GiannoliSur les sept longs-métrages dans lesquels le jeune acteur a tourné, j'en ai vu cinq et je dois dire que je l'ai toujours trouvé remarquable. Ici, une fois de plus, il est à la hauteur du rôle et semble avoir été mis au monde pour l'interpréter. 

Pour ce qui est du reste du casting, on retrouve un de mes chouchous : Vincent Lacoste (que j'ai trouvé particulièrement en forme dans ce film) mais aussi Cécile de France, Xavier Dolan, Gérard Depardieu, Louis-Do de Lencquesaing, Jeanne Balibar et Salomé Dewaels. Bref une joyeuse brochette qui fait des étincelles!

Aussi, bien qu'il y ait beaucoup de personnages, j'ai trouvé que la narration était fluide et le rythme global soutenu et prenant. 

En réalisant cette adaptation, Giannoli rend un véritable hommage à la France en général, à sa splendeur, à la complexité et à la richesse de sa langue notamment et bien sûr à son architecture et à sa vaste culture.  

Illusions perdues est un film qui donne envie de lire toute l'oeuvre de Balzac (ou au moins le livre éponyme) et qui donne aussi envie de se pencher de plus près sur la filmographie du réalisateur. Chapeau l'artiste!
Anecdotes : 
1. Si Xavier Giannoli a choisi de faire ses études à la Sorbonne c'était pour être dans le quartier des cinémas.
2. Le personnage de Nathan (interprété par Xavier Dolan) a été créé pour le film. Il condense trois personnages du roman : Raoul Nathan, journaliste intrigant ; Daniel d’Arthez, écrivain profond qui préfère à la compromission une vie difficile consacrée au travail et Melchior de Canalis, poète mondain à succès, reçu dans les salons de l’aristocratie. 
3. C'est par le biais de la musique que le réalisateur s’est replongé dans le livre. Il raconte avoir surtout écouté le concerto pour quatre pianos et orchestre de Bach et que c'est son architecture « choral » où les thèmes semblent dialoguer d’un piano à l’autre qui l'ont permis de trouver le mouvement à suivre.

Spectre : Sanity, Madness & The Family de Para One.

À partir du moment où j'ai vu la bande-annonce hyper intrigante de ce film lors d'une autre séance dans un cinéma Mk2, j'ai eu envie de voir ce documentaire.

Si le nom Para One me semblait familier, j'avoue que je ne savais pas pourquoi. Il s'avère que c'est à travers le cinéma de Céline Sciamma que je l'ai découvert. En effet, Para One a signé les bandes originales des films Naissance des pieuvresTomboyBande de filles et Portrait de la jeune fille en feu. C'est déjà à la sortie de la Fémis (où ils étaient tous les deux étudiants) qu'il a commencé à travailler sur Spectre: Sanity, Madness & the Family en collaboration avec la réalisatrice.

Premier long-métrage pour le DJ-compositeur-producteur français Jean-Baptiste de Laubier, il s'agit d'une auto-production. La décision de produire lui-même son film était raisonné puisqu'en effet, le réalisateur avait conscience que la structure inédite de son projet l'excluait du système de financement classique. Ainsi, il a inventé son propre procédé. Le résultat? Un film déroutant, qui subjugue et tient en haleine le spectateur du début à la fin.

Pour ma part, après être sortie de la salle, totalement chamboulée par ce à quoi je venais d'assister, je n'avais qu'une envie : crier. Autant de joie que de tristesse, autant d'excitation que de colère. J'étais dans un état second, comme sur un nuage ou propulsée dans un monde parallèle. Tel un coup de poing qui vous assomme, j'ai immédiatement pensé que ce film était MON coup de coeur de l'année 2021. Et oui, rien que ça!

L'une des spécificités de Spectre: Sanity, Madness & the Family est de mêler fiction et documentaire. Si ce choix a été principalement fait afin de protéger certains proches de Para One qui voulaient garder l’anonymat, ce format s’explique également par le fait que le récit s’appuie sur la mémoire. Il y a alors une part de reconstruction et donc d'invention, d'imaginaire qui s'incarne dans le film par des acteurs qui rejouent des scènes parfois authentiques, parfois écrites selon le principe de l’autofiction.

Ces séquences jouées cohabitent avec des images tournées par le réalisateur sur une période d'une vingtaine d'années, jusqu'alors compilées sans réel but. Et c'est ce mélange si particulier qui permet d’atteindre une réalité alternative. 

Tel un rêve éveillé, on suit le mouvement sans être maîtresse et/ou maître de la situation. Par conséquent, on est envahis par une multitude de sensations et émotions divergentes qui nous déstabilisent inlassablement.

Avec ce projet, Para One voulait explorer les racines intimes de la création artistique. À travers une histoire partiellement fictive de sa propre famille, il avait pour souhait de remonter aux sources mêmes de ce qui l'a poussé depuis toujours à exprimer ses intuitions sous forme stylisée. 

Telle une quête, ce premier long-métrage a pour objectif de reconstituer la musique perdue de l'enfance de l'artiste, musique qu'on découvre avoir été composée par un maître spirituel sous l’influence duquel sa famille a évolué pendant plusieurs décennies.

Passionnant est l'adjectif que j'utiliserais pour résumer en un seul mot ce film qui m'a emmenée ailleurs. 

Maintenant, je ne peux que vous recommander de le découvrir à votre tour. Vous m'en direz des nouvelles!

Anecdote : C'est après cinq années de recherches que Para One a enregistré avec ses musiciens le disque Machines Of Loving Grace, qui constitue autant la bande originale du film que son album. Les enregistrements ont été filmés au Japon, en Indonésie, en Bulgarie et à Paris. Il était important pour le réalisateur de rendre visible le visage des musiciens et « de rendre compte de l’ancrage de leur pratique dans ce qu’elle a pour eux de spirituel.


C'est ainsi que s'achève cet article cinéma qui, je l'espère, vous aura donné envie de voir au moins un des cinq films présentés. Je vous embrasse et vous retrouve demain avec un nouveau post mode.

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