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vendredi 31 décembre 2021

Cinema | Recommandations cinématographiques #30

Bonjour, bonsoir, j'espère que vous allez bien! En ce dernier jour de 2021, j'ai envie de terminer l'année en parlant de ce qui m'anime, soit le cinéma, qui est un art auquel je consacre la majorité de ma vie. 

Dans cet article, il s'agira de partager avec vous mon avis sur cinq films sortis au cinéma entre le mois de novembre et le mois de décembre. 

Par ailleurs, cela sera l'ultime article cinéma sous cette forme que j'écrirai pour le blog. En effet, je me suis rendue compte que, bien que j'ai réduit à cinq critiques par post, j'ai encore des difficultés à trouver du temps pour les rédiger et cela me frustre beaucoup. 

Je pense donc qu'à l'avenir, je consacrerai un article par film. Cela sera plus court à écrire pour moi et plus court à lire pour vous. On y gagne dans les deux sens non?

Maintenant que cela est dit, je vous souhaite une bonne lecture!
L'évènement d'Audrey Diwan.

Étant à la fois abonnée aux comptes d'Audrey Diwan et d'Anamaria Vartolomei sur Instagram, j'ai suivi de près tout le parcours du film en festivals et j'ai su très tôt qu'il ne fallait pas le rater. Je guettais donc depuis un moment sa sortie en salles et était impatiente de le découvrir enfin.

Tiré du roman éponyme d’Annie Ernaux publié en 2000, L'évènement décrit une époque durant laquelle l'avortement était interdit en France. 

Outre sa dénonciation évidente envers les injustices subies par les femmes, ce deuxième long-métrage est un moyen pour la réalisatrice d'explorer des sensations intimes qui ne cessent de croître tout au long du récit. Ainsi, on est directement confrontés avec la réalité concrète du processus de l'avortement clandestin. 

Tourné en 1.37, format du portrait, L'évènement se concentre sur l'essentiel et embrasse le regard de la protagoniste. Ce choix a permis à la cinéaste de contourner l'idée de la reconstitution et de plonger le spectateur dans un récit au présent. On est focalisés sur le personnage principal, au centre de l'action, élément avec lequel on ne fait qu'un, à travers lequel on observe, on ressent, on se laisse surprendre, on subit, en silence.

Dans cette optique, Audrey Diwan a poussé son chef opérateur Laurent Tangy à ne faire qu'un avec Anamaria Vartolomei. Ensemble, ils ont trouvé un rythme commun avec comme objectif d'être sans cesse à la hauteur du personnage, faire le point sur ce qu'elle regarde de manière viscérale. On vit alors, avec l'héroïne, les jours, les heures qui passent avant l'acte, tout comme on assiste au pendant et à l'après. L'expérience est aussi bien mentale que physique. Impossible de sortir indemne de la salle...

Cette idée de ne pas détourner le regard, même aux moments les plus durs, était primordial pour la réalisatrice. Les séquences sont donc filmées dans la longueur, sans coupes, ne nous laissant pas un instant pour souffler. 

Personnellement, j'ai eu l'impression d'être complètement vidée, comme si toute mon énergie et ma concentration avait été aspirées. En sortant de la salle, je suis allée respirer un coup dehors pour me ressaisir (avant d'aller voir Aline de Valérie Lemercier afin de me changer les idées).

Enfin, l'autre aspect intéressant du film est qu'il s'intéresse à la question des classes sociales. Anne, fille de prolétaire, est une jeune femme qui aspire à un avenir ambitieux. Ce sont ses études qui vont lui permettre d'accéder à une classe sociale supérieure et c'est cette volonté de réussir qui la pousse à refuser d'enfanter à ce moment charnière de sa vie.

Si L’Événement a obtenu le Lion d’or lors la Mostra de Venise 2021 ce n'est pas un hasard. C'est la preuve qu'il faut "choquer" pour se faire entendre et qu'il ne faut jamais baisser les bras pour obtenir gain de cause. Le chemin est encore long pour les femmes toutefois les récompenses comme celles-ci donnent de l'espoir quant au futur!


Anecdote : Pour les besoins d’une scène où elle devait jouer la peur et la douleur physique, Anamaria Vartolomei a porté une oreillette qui diffusait un tic-tac constant : « J’étais comme une bombe à retardement. Et plus j’avançais, plus ce son de métronome devenait fort. Ça me mettait dans un état d’irritation maximal. J’avais un vertige. Ça a vraiment influencé ma façon de marcher, ça a façonné aussi les expressions de mon visage à ces moments-là. ».
Les Magnétiques de Vincent Mael Cardona.

C'est un peu par hasard que je suis allée voir Les Magnétiques et, heureusement pour moi, ce fut un heureux hasard.

Né d’un désir d’écriture collective, le scénario de ce film est "l'enfant" de cinq personnes de la même génération (Romain Compingt, Chloé Larouchi, Maël Le Garrec, Catherine Paillé et Rose Philippon), tous nés au début des années 80.

Premier long-métrage pour l'acteur-scénariste-réalisateur, Les Magnétiques est une déclaration d'amour à cette époque entre 1978 et 1983, où la révolution numérique n'avait pas encore transformé le monde et où  différentes expressions artistiques ont explosé un peu partout dans le monde comme les fanzines, les groupes de rock et de punk et bien sûr les radios pirates.  

Pour nous plonger au coeur de ces années, le film démarre par cette célèbre image à la télé : l'apparition du visage de Mitterand, annonçant l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, tournant majeur dans l'histoire de la France. 

On est donc là, dans un village perdu en province, avec ce groupe de jeunes. Tout le monde se réjouit sauf le personnage principal interprété par le brillant Thimotée Robart qui semble ailleurs, pas vraiment concerné. Parmi la bande il y a aussi son frère, incarné avec talent par Joseph Olivennes (fils de Kristin Scott Thomas, rien que ça) et la copine de son frère, joué par l'envoûtante Marie Colomb.

Outre le triangle amoureux entre ces deux frères et la jeune femme, on assistera également à un triangle entre les deux frères et leur père. Dans les deux cas, la distinction entre l'ainé et le cadet est évidente. Ce sont leurs différences qui les unis et renforcent leur complicité mais ce sont ces mêmes différences qui vont les opposer. 

À travers leurs deux personnalités distinctes, on perçoit deux types de masculinité (en plus de la figure du père qui nous montre encore autre chose) avec d'un côté le timide passionné et de l'autre le charismatique torturé.

Par ailleurs, le film oppose également la province, loin de tout et figée dans le passé et le centre, mobile, où tout se passe et tout se joue. Ici, la province est intemporelle et le centre est celui du Berlin de la guerre froide. Entre les deux, un monde, une énergie diamétralement antagonique. Sur eux, un regard tendre et à la fois critique.

La bonne idée du cinéaste et de son directeur de la photographie a été de ne pas tourner en pellicule. Ils ont opté cependant pour une caméra numérique dotée d'optiques anamorphiques d'époque : un moyen de témoigner leur fascination et leur attachement aux images de ce monde révolu des années 80 et un rendu qui, personnellement, m'a séduite (en plus du travail sur la lumière, les costumes et les décors qui m'ont immergée dans cette période que je n'ai pas connue).

Dédié à deux musiciens disparus (Philippe Pascal et Gilles Bertin), Les magnétiques c'est aussi et surtout un film imprégné de musique qui nous transporte ailleurs et nous fait rêver. Et ce n'est pas par hasard si c'est Thimotée Robart, perchman de formation, a été choisi pour incarner le rôle principal. 

La séquence qui m'a le plus marquée est justement celle d'une performance sonore durant laquelle le héros révèle indirectement son amour à sa belle. C'est Pierre Bariaud et Samuel Aïchoun, monteur son et mixeur, qui se sont chargés de reconstituer une véritable station radio d’époque dans la cave de la production. 

Afin que tout soit réaliste et sans trucages, ils ont testé les boucles infinies, les scratches de cassettes, la tasse sur la platine, le pendulum inspiré par Steve Reich. Une fois la performance mise au point, ils l’ont fait répéter par Thimotée Robart, dans la cave, une bonne partie de l’été, et le résultat est tout simplement bluffant.

En résumé : que ce soit la mise-en-scène, le casting, l'histoire, Les magnétiques est un film réussi et intelligent qui réunit tous les éléments pour nous faire passer un vrai moment de cinéma.


Anecdotes :  
1. Le film marque la deuxième apparition au cinéma de Thimotée Robart, révélé en 2019 par Vif-Argent de Stéphane Bahut dont je vous avais parlé dans un article cinéma d'octobre 2019.
2. Thimothée Robart avait travaillé précédemment sur la mini-série Laëtitia, portée par Marie Colomb, qui incarne Marianne dans le film

Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen.

C'est à sa sortie en 2010 que Juho Kuosmanen a découvert le roman de Rosa Liksom. Pensant d'abord qu'une adaptation cinéma allait être trop complexe, le cinéaste a finalement changé d'avis suite à une rencontre avec l'auteure. Au final, il a décidé de s'inspirer du livre et non de l'adapter. 

Compartiment n°6 est surprenant à la fois par sa construction (on commence par une histoire d'amour et cela prend ensuite une direction complètement différente) mais notamment par ses décors atypiques. 

Entre la mauvaise odeur, le manque d'oxygène dans les espaces exigus, le film, tourné en majeure partie dans un train, a constitué un défi logistique important pour Juho Kuosmanen et son équipe réduite. Cependant, c'est sûrement cette proximité et cette intimité qui leur ont permis de capter quelque chose d'aussi spécial.

Quant au virage narratif, il nous pousse à ne pas avoir d'attentes et nous invite à nous laisser porter sans se poser de questions, tout comme l'héroïne qui suit son instinct. 

D'une certaine manière, le film ne commence que lorsqu'elle décide de ne pas rebrousser chemin et de continuer son voyage en solitaire. Comme elle, on apprend à faire face à l'imprévu et on embrasse l'improvisation et la spontanéité. 

Aussi, c'est à travers et grâce au personnage de Lioha, magistralement interprété par Yuriy Borisov (ma révélation) que Laura comprend qui elle est vraiment et saisi l'importance de l'instant présent et du plaisir des choses simples.

Au premier plan du film, il y a justement le sujet de la différence, de "l'étranger" et l'idée que l'autre est un reflet de notre personne ou en tout cas, ici, de l'héroïne. C'est par nos rencontres qu'on apprend à mieux se connaître nous-même et qu'on s'ouvre sur l'extérieur.  

Compartiment n°6 est un film intemporel qui ne cherche ni à plaire, ni à donner des leçons. Pendant une heure et demie, on est en Russie, dans ce train et on n'a pas forcément envie d'en descendre. Belle réussite!


Anecdote : Parmi les éléments qui ont été modifiés par rapport au livre il y a l’itinéraire, la décennie et par conséquent le pays (on passe de l’Union soviétique à la Russie), l’âge du personnage masculin et son nom (Vadim dans le livre, Ljoha dans le film). Ce changement en particulier a été fait suite à la rencontre avec un "fou" qui portait ce nom, que l'équipe a rencontré dans le train pendant les repérages.

Madres Paralelas de Pedro Almodovar.

Suite à son film introspectif Douleur et gloire (dont je vous avais parlé dans un article cinéma de juin 2019), Almodovar a choisi de s'intéresser, une nouvelle fois, à la figure de la mère.

Bien que je sois une fan du cinéaste espagnol, je dois avouer que j'avais quelques appréhensions quant à ce nouveau long-métrage. Si, comme je l'avais perçu dans la bande-annonce, la photographie ne m'a pas convaincue, le scénario m'a tenu en haleine tout du long (c'est que le réalisateur sait écrire des scénarios avec un talent incroyable). 

Avec Madres Paralelas il signe le septième long-métrage dans lequel il dirige l'actrice Penélope Cruz. À savoir que la première fois qu'il avait évoqué avec elle l'idée de ce film remonte à 1999, lorsqu'ils étaient en tournée promotionnelle du film Tout sur ma mère (que je vous recommande de voir si ce n'est pas déjà fait).

Outre cette relation extraordinaire entre les deux héroïnes, Pedro Almodovar en profite notamment pour évoquer les charniers franquistes contenant des milliers de cadavres d’opposants à la dictature de Franco, qui ont été enterrés dans des fosses communes clandestines. 

Les deux récits se nourrissent ainsi l'un de l'autre et permettent d'obtenir une seule et même histoire enrichie. La double intrigue parfaitement dosée grâce à un montage maitrisé, retient notre attention et crée un suspens intéressant.

Après deux heures de projection, je suis donc sortie de la salle complètement captivée et très émue par l'ensemble (il faut dire que le plan de fin est plutôt mémorable). 

Ce drame complexe autour de ces deux mères liées malgré elles, démontre encore une fois à quel point le cinéaste espagnol sait parler des femmes avec un recul parfaitement mesuré et un regard plus percutant que jamais. 

Madres paralelas n'est pas mon film préféré du réalisateur toutefois il fait partie de ses plus aboutis et il est notamment très représentatif de son cinéma. À ne pas rater!


Anecdotes: 
1. À l’exception des films Étreintes brisées (2009) et Les Amants passagers (2013), Pedro Almodóvar a toujours confié à Penélope Cruz le rôle d’une femme enceinte (En chair et en osTout sur ma mère) ou d’une mère (VolverDouleur et Gloire). Le réalisateur l'explique par le fait que, pour lui, elle est l'image parfaite qu'il a de la maternité.
2. Je ne sais pas si vous avez suivi le scandale autour de cette affiche mais le fait qu'elle présente un mamelon duquel coule du lait l'a fait censurer par Instagram. Bien que le réseau social se soit finalement excusé et a autorisé la mise en ligne du visuel, estimant qu’il s’agissait d’un design artistique, je trouvais important de choisir cette affiche plutôt que l'autre, plus conventionnelle, pour illustrer ma critique.

La fièvre de Petrov de Kirill Serebrennikov.

Rares sont les fois où j'ai envie de quitter la salle néanmoins cela m'arrive et ce fut le cas avec La fièvre de Petrov. Pourquoi alors, je vous en parle aujourd'hui? Tout simplement parce qu'après les trente premières minutes, j'ai fini par lâcher prise et me suis laissée emporter par l'énergie inédite et déroutante du film.

La Fièvre de Petrov est tiré du roman Les Petrov, la grippe, etc., de l’écrivain Alexeï Salnikov qui a d’abord été publié dans le magazine Volga en 2016. Lauréat du National Bestseller Award et du prix littéraire « Le Nez » en 2019, l’ouvrage a séduit le producteur Ilya Stewart, qui en a acquis les droits. Au même moment, le producteur termine de travailler sur le précédent film de Kirill Serebrennikov, Leto, (sorti en 2018). Coïncidence : Serebrennikov avait organisé l’adaptation sur scène de Les Petrov, la grippe, etc. au Centre Gogol. Les deux hommes l'ont perçu comme un signe du destin et c'est ainsi que le projet a démarré. 

Tout comme le livre, la narration du film est moderniste et son style, inhabituel. Les intrigues s'entremêlent, se répètent, tout comme les époques, ce qui a pour effet de plonger le spectateur dans la plus grande des confusions. 

À l'image de ce qui se passe dans l'esprit du héros, on saute d'un souvenir à l'autre comme si on était nous même atteint par cet état grippal, pris d'une fièvre infernale, nous empêchant de faire la distinction entre la réalité et l'imaginaire, le passé du présent. 

Mise à part la narration embrouillée, ce long-métrage est, d'un point de vue technique, tout aussi complexe et impressionnant. Vladislav Opelyants, le directeur de la photographie, a largement contribué au résultat final en faisant un travail 100% fait main, sans avoir recours aux images de synthèse.

Enfin, pour interpréter Petrov, le cinéaste russe a choisi le directeur de théâtre et acteur Semyon Serzin, qui avait initialement reçu la proposition de monter une pièce inspirée du livre. Personnellement, je l'ai trouvé absolument fantastique, tout comme le reste du casting.

Avec ce film, Kirill Serebrennikov nous offre sa vision de ce que la Russie est pour lui. À travers l'empathie, le partage des souvenirs d'enfance, des peurs, des joies, des rêves, il raconte à son public ce qu'il aime, déteste, adore, ce qui le fait enrager aussi. Il a avoué que, tourné durant une période sombre de sa vie, La Fièvre de Petrov lui a servi de bouée de sauvetage.


Anecdotes : 
1. La Fièvre de Petrov se déroule dans la ville russe de Iekaterinbourg, située en Sibérie occidentale. Si certaines séquences ont été filmées sur place, la majorité du film a été tournée à Moscou.
2. Kirill Serebrennikov n’a pas pu présenter son film au Festival de Cannes en 2021, où il était sélectionné. Accusé d'avoir détourné des subventions publiques avec sa compagnie de théâtre, le cinéaste avait l’interdiction de quitter la Russie. En 2018 déjà, le cinéaste n’avait pas pu se rendre sur la Croisette avec Leto car il était assigné à résidence.



Voilà donc pour ces cinq dernières recommandations cinématographiques de l'année 2021. J'espère que cela vous a plu et intéressé. Je vous souhaite à toutes et tous un bon réveillon et mes meilleurs voeux pour 2022!


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